Dr. Holi Rajery - Linkedin
Est-il possible de se voir mourir ? Le tunnel ou encore cette forte lumière blanche que certains affirment avoir aperçu alors qu’ils étaient en train de mourir relève-t-il de la réalité ? Ne s’agit-il pas d’hallucinations émanant d’esprits perturbés d’une personne en fin de vie, voire complètement altérés par la perspective d’une mort qui apparaît comme inévitable ? Ce sont là de véritables questions qui agitent le monde scientifique depuis des décennies.
Tandis que de nombreuses explications rationnelles sont avancées par les hommes de science afin de tenter d’expliquer les expériences de mort imminente, ce phénomène peut être perçu de façon totalement différente d’un point de vue spirituel. Toutefois, avant de confronter ou plutôt d’interroger ces deux points de vue, il serait intéressant de remonter aux origines.
Il s’agit de sensations et /ou de visions que des personnes disent avoir vécues à leur réveil, suite à un état de coma plus ou moins prolongé. Il arrive également que des personnes apparemment mortes, donc qui ne présentent plus ni respiration, ni pouls, racontent le même type d’expériences après avoir été réanimées, avant la mort des organes.
Les récits de ces patients présentent de nombreux points communs, à savoir :
L’expérience de mort imminente s’inscrit ici dans un entre-deux, comme une phase de transition entre la vie et la mort qui a conduit au fil du temps à asseoir l’idée très présente dans de nombreuses religions, de l’existence d’un au-delà, d’une vie après la mort.
Il faut ajouter que si dans leur grande majorité les personnes témoignent d’EMI positives, il existe également des EMI négatives, susceptibles de susciter chez ceux qui les vivent de la terreur, de la peur, de la colère et même de la culpabilité. De même, l’EMI peut survenir en cas de danger, sans imminence réelle de la mort. C’est donc une expérience, qui si elle est partagée par plusieurs, est vécue de manière totalement subjective par chaque individu.
D’un point de vue historique, l’expression “mort imminente” est évoquée pour la première fois en 1896, par Victor Egger, épistémologue et psychologue français, auteur de la parole intérieure, thèse qu’il a présentée à la Faculté des lettres de Paris. Ce terme est adopté à la suite des débats suscités par le récit d’alpinistes, relatant une revue de leur existence après une chute. Le développement des procédures de réanimation a apporté un nouvel éclairage sur le phénomène. Les travaux du psychiatre américain Raymond Moody ont achevé de populariser le concept de NDE (Near Death Experience) en 1975.
Les travaux sur le sujet sont de ce fait relativement récents et toujours assez peu nombreux, compte tenu de l’ampleur du phénomène.
Certains témoignages de patients ayant vécu une expérience de mort approchée font parfois état d’une lumière qui les aurait transpercé et guéri, de la mise en évidence d’aptitudes jusqu’alors totalement inconnues et/ou d’une grande sensation d’apaisement. Ces différents vécus et sensations semblent attester du fait que “l’expérience de mort imminente y aurait eu un rôle protecteur contre le développement de symptômes de stress post-traumatique associé à d’autres changements bénéfiques pour le sujet.” comme le mentionnent Nawal Lazrak et Renaud Evrard dans leur article intitulé L’expérience de mort imminente comme rempart face au risque psychotraumatique ?, publié dans la revue Études sur la mort.
L’approche de certains psychologues met ainsi l’accent sur le côté protecteur d’une telle expérience, et ce, qu’elle soit de nature positive ou négative. Elle met également en exergue la différence de perception entre les patients atteints de pathologies mentales et ceux qui ne le sont pas. Pour les premiers par exemple, les personnes aperçues durant les visions ne sont très souvent pas des proches, contrairement aux personnes mentalement “ saines”. Les différences ne s’arrêtent pas à cet aspect. En effet, pour de nombreux chercheurs l’EMI est très fortement influencée par la culture, voire par la religion. Même s’il reste difficile de le prouver de façon stricte et définitive, cette perception offre d’autres perspectives de réflexion sur le sujet.
A ce stade, le questionnement de départ demeure, même si de part ses caractéristiques, il serait inexact de les réduire à de simples hallucinations visuelles, sensorielles ou cénesthésiques. En effet, les visions sont brèves, opératoires et les personnes qui apparaissent sont dotées de volonté propre, et ne peuvent être perçues comme une projection, une émanation du sujet. Pour résumer, l’EMI est selon Greyson et Stevenson (1980), un état de conscience modifié, directement induit par une perte de conscience à la suite d’une menace pour la vie (arrêt cardiaque, accident, etc).
Cette interrogation vient recentrer le débat d’un point de vue scientifique. Il n’est plus seulement question de perceptions ou de sensations mais bien d’observations et de mouvements perceptibles au niveau de l’activité cérébrale. Il faut par ailleurs noter que quand bien même l’EMI se rapprocherait de la mort, l’on ne saurait parler de mort à proprement parler dans la mesure où cette expérience n’est racontée que par des survivants.
Selon CHARPIER Stéphane, directeur de recherche à l’Institut du cerveau et professeur à la Sorbonne, l’état de syncope qui survient lorsque le cerveau n’est plus alimenté en oxygène entraîne plusieurs modifications de l’activité électrique dans le cerveau, qui pourraient être à l’origine des phénomènes observés durant une EMI.
La seconde hypothèse défendue par le neurophysiologiste auteur de “ La science de la résurrection” soutient que l’Expérience de Mort Imminente surviendrait non pas avant ce qui s’apparenterait à la mort mais bien au moment de la récupération, ce moment où les activités cérébrales reprennent lentement. C’est donc un état de conscience qui, même ralenti, permet au sujet de s’approprier ses visions et sensations et surtout de les restituer. Il va plus loin en précisant que cette étape montre des motifs d’activités compliqués (patterns), voire anormaux, qui se rapprochent de ce que produit le cerveau lors d’hallucinations.
La nouveauté de cette expérience tient dans le fait que les patients peuvent être appareillés en phase de réanimation. L’activité électrique et métabolique de leur cerveau est mesurée, puis ils sont stimulés. L’objectif étant d’évaluer la capacité des patients ayant survécu à une crise cardiaque, à rendre compte après-coup, de leurs ressentis au moment où ils étaient stimulés. De l’avis du chercheur, l’expérience n’est à ce jour pas concluante. Il est donc évident que le cerveau qui n’est plus irrigué par le sang oxygéné est dans l’incapacité de traiter et mémoriser des informations extérieures. La question demeure. À quel moment peut-on associer les activités cérébrales particulières aux visions ? Lorsque le sujet sombre dans le coma ou lorsqu’il en émerge ? Cela reste un mystère.
Il n’est pas rare que l’EMI soit très souvent associée à l’idée de résurrection, c’est-à-dire de retour d’entre les morts. Cela soulève un certain nombre de questionnements du point de vue spirituel voire religieux. Notamment concernant la notion de vie éternelle, d’immortalité de l’âme, très présente chez les chrétiens notamment. De nombreux hommes d’église tirent ainsi la sonnette d’alarme et invitent à la prudence quant à l’interprétation qu’on ferait de ces phénomènes qui, s’ils ouvrent à une certaine forme de spiritualité, ne sauraient être perçus comme un moyen de communiquer avec les morts ou d’autres entités.