Dr. Holi Rajery - Linkedin
La maladie et la mort font partie de la vie : voici une phrase qu’on entend très souvent et qui vient rappeler à quel point il est impossible de se soustraire à ces deux événements. Ils sont indissociables de notre condition d’humain et demeurent cependant difficiles à accepter. On se pose souvent la question, comment annoncer à une personne en phase terminale qu’elle va mourir ? Mais on peut aussi être confronté à l’inverse. La maladie, la nôtre ou celle d’un proche, met en quelque sorte à l’épreuve l’image que nous avons de notre propre corps, mais également celle du corps de l’autre. De ce fait, admettre sa maladie, l’annoncer à ses proches peut s’avérer être une véritable épreuve, une réalité implacable, indigeste et parfois impossible à symboliser, même en étant adulte. Par conséquent, la tentation peut être forte d’épargner les enfants. Est-il nécessaire d’annoncer, de parler de sa maladie, de sa mort prochaine à ses jeunes enfants ?
La réponse à cette question est oui, évidemment. D’abord, parce que ne pas en discuter, ne signifie pas qu’ils n’en n’ont aucune idée. L’environnement dans lequel ils évoluent les confronte bien souvent à cette réalité, même s’ils n’en saisissent pas pleinement le sens. Ensuite, dans la mesure où parler va contribuer à l’évolution intellectuelle et affective de l’enfant, il est nécessaire de ne pas rendre ce sujet tabou.
Dans leur article intitulé ; Doit-on parler de la mort à un enfant, publié dans le volume 18 de la revue Info Kara, devenue Revue Internationale de Soins Palliatifs, les auteurs Daniel Oppenheim et Olivier Hartmann, respectivement psychiatre psychanalyste et médecin cancérologue, le résument bien : Dialoguer ainsi contribue à la maturation intellectuelle et affective de l’enfant, lui permet d’apprivoiser la peur de la mort, ressert les liens entre lui et les adultes. Répondre aux éventuels questionnements de l’enfant, lui répondre sans langue de bois en adoptant le ton et les mots justes, crée un sentiment de confiance envers l’adulte. La question du deuil n’est pas ou plus taboue et peut être abordée de façon saine.
La problématique est loin d’être évidente. Parler de la mort et du deuil en général, même en se référant à la disparition de personnes qu’il a connues et qui lui étaient chères est une chose. Évoquer directement sa propre mort en est une autre. Pour cause, l’enfant a désormais une idée plus précise de ce qu’est la mort et de ce qu’elle implique, notamment la séparation définitive et totalement involontaire d’avec l’être aimé. Plus tard, il pourra plus facilement réussir à accepter le décès de sa mère.
Ceci ne signifie pas qu’elle cesse pour lui d’être une potentielle source d’angoisse et de questions diverses. Pourquoi on meurt ? Qui l’a décidé ? Où va la personne qui meurt ? Que devient-elle ? Que va-t-il se passer après ? Que va-t-il devenir ? Ce sont autant de petites interrogations auxquelles il faut apporter une réponse, la plus claire et réfléchie possible.
L’idée est de lui offrir des éléments de réflexion qui lui permettent de confronter sa pensée, son vécu à la réalité. Il est important de prendre le temps. Ne pas brusquer l’enfant évite par exemple qu’il se referme ou qu’il se refuse à tout échange futur sur le sujet. Si la problématique n’est pas amenée par lui, il faut se donner le temps d’annoncer, d’expliquer et de dédramatiser. Le mourant peut essayer de trouver un brin de bonheur en fin de vie avec ses enfants et ses proches. Dans l’éventualité où on a plusieurs jeunes enfants, il est conseillé de le dire à tous en même temps en usant des mots adaptés à chaque tranche d’âge.
La mort est la fin de la vie. Telle qu’énoncé, elle nous apparaît comme froide et brutale. Qu’elle survienne à l’issue d’une maladie plus ou moins longue, d’une lente agonie ou alors brusquement sans prévenir, elle est et demeure violente pour les proches. Le deuil est quant à lui un processus. Il s’agit de faire face à la perte, à la douleur et surtout au vide. C’est donc une nouvelle relation qu’on entame avec son être aimé. Le deuil n’est pas plus doux, mais il offre aux vivants une alternative. Il laisse paradoxalement la porte ouverte à la vie, d’où l’intérêt d’aborder la question de la mort sous le prisme du deuil.
Pour l’enfant, on évoquera le deuil d’un proche à lui ou à ses parents, d’une personne qu’il a connue et dont il est désormais séparé. Le parent malade mourant peut ainsi prendre de la distance avec la peur et l’angoisse suscitée par la perspective de mourir, abandonnant ainsi les siens. Le deuil offre une passerelle, une lueur d’espoir, car si notre environnement visuel est jonché de morts souvent atroces, la mort ordinaire demeure un véritable tabou aujourd’hui.
Comme le fait remarquer François Michaud Nérard dans un article intitulé La mort et le deuil, publié dans la revue Études sur la mort, Combien y a-t-il d’enfants, de jeunes adultes de 20 ans qui ont déjà vu un mort ? Alors qu’il y a 50 ans, lorsqu’un voisin mourrait, tout le monde y allait, on le visitait, le veillait, cela faisait partie de la vie. C’est bien un signe que la mort est devenue taboue.
Cette réalité implique également une évolution des rituels funéraires qui vient remettre en question le discours, même religieux, surtout religieux dirons-nous sur la mort. Les enfants d’aujourd’hui, contrairement à ceux d’autrefois, sont beaucoup moins exposés à la mort ordinaire. Il est donc primordial de les accompagner, de les instruire à cette réalité, encore plus s’ils vont être prochainement confrontés à la nôtre.