Dossier complet sur la pancréatite aiguë
Dr. Holi Rajery - Linkedin
Le pancréas se trouve au-dessus de l’abdomen, il fait partie à la fois du système endocrinien et du système digestif et y joue de nombreux rôles.
La pancréatite aiguë est une inflammation brusque du pancréas qui se dissout normalement en quelques jours suite à l’abus de l’alcool et aux calculs biliaires. Elle peut être une urgence médicale qui engage le pronostic vital du patient en se manifestant par une douleur intense dans le ventre.
La gravité de cette maladie est variable, mais elle ne figure pas parmi les pathologies mortelles les plus graves en France. L’hospitalisation est préconisée dans tous les cas.
Description générale
I.1. Définition
La pancréatite aiguë est une inflammation du pancréas due à l’autodigestion par les enzymes destinés à désagréger les aliments arrivant dans l’appareil digestif. Contrairement à la pancréatite chronique, dont l’inflammation est permanente, elle se manifeste soudainement et disparait en quelques jours. Elle peut cependant aussi atteindre les autres organes aux alentours.
Cette maladie atteint autant les femmes que les hommes avec une incidence qui peut atteindre 45/100 000 adultes en France.
I.2. Causes
La pancréatite aiguë a 2 principales causes :
- les calculs biliaires se déplacent et obstruent le canal cholédoque qui se trouve entre la vésicule biliaire et le pancréas. Le liquide pancréatique ne peut alors plus passer pour jouer son rôle dans l’organisme
- la consommation excessive d’alcool qui détruit les cellules du pancréas, dont le rôle est de produire les enzymes. C’est la cause de 75 % des cas
D’autres facteurs plus rares peuvent la provoquer :
- une infection telle qu’une hépatite virale
- un cancer du pancréas , dont voici les symptômes et les moyens de le soulager en phase terminale
- la pancréatite auto-immune
- un choc subi par l’abdomen ou des complications d’une intervention chirurgicale
- une hypercalcémie
- des troubles héréditaires du pancréas
- la prise de certains médicaments dont les antirétroviraux
- la consommation excessive d’aliments gras
Il reste cependant 5 à 10% des cas de pancréatite aiguë, dont on ne connait pas l’origine.
I.3. Épidémiologie
Entre 40 et 50 sur 100 000 habitants sont recensés être atteints de pancréatite aiguë (PA) annuellement en France. D’autres statistiques indiquent 15 000 personnes par an, dont 20% sont de forme grave et parmi elles, le taux de mortalité est de 15 à 20%, ce qui fait 5% de mortalité globale.
L’évolution vers la forme grave peut être due à un grave traumatisme de l’organisme, une brûlure grave, etc., et à l’âge.
I.4. Physiopathologie (mécanismes)
Le pancréas produit les enzymes pancréatiques qui sont transportées sous forme inactive (proenzyme) dans les cellules vers le duodénum, alors que c’est dans celui-ci qu’elles s’activent.
Si les proenzymes s’activent avant leur arrivée au duodénum, c’est-à-dire dans les cellules ou dans les canaux pancréatiques, le pancréas est alors digéré par ses propres enzymes, ce qui provoque une inflammation, qui est la source de la PA.
On ne connait pas exactement le facteur déclencheur de cette activation des enzymes. Cela peut être un trouble biliaire, des hydrolases lysosomiales d’origine toxique ou un manque d’irrigation du sang, etc.
Cette activation précoce peut toucher la graisse entourant le pancréas et créer une nécrose de graisse.
I.5. Types
Les types de pancréatite en général
La pancréatite peut être chronique ou aiguë :
- La pancréatite chronique
Une pancréatite chronique est une inflammation permanente du pancréas qui se manifeste souvent par des crises de pancréatite aiguë.
- La pancréatite aiguë
Contrairement à la forme chronique, c’est une inflammation brusque du pancréas qui, dans 80% des cas, se résorbe spontanément après quelques heures ou quelques jours.
Les types de pancréatite aiguë
La pancréatite aiguë peut être nécrosante ou œdémato-interstitielle.
- La pancréatite nécrosante
La pancréatite nécrosante se manifeste par la présence d’un ulcère au niveau du pancréas, dépistée lors des examens d’imagerie.
Elle représente plus ou moins 10% des cas de pancréatites aiguës et peut s’aggraver rapidement, même jusqu’au décès, à cause d’une surinfection de l’ulcère ou de la formation d’un syndrome de défaillance multiviscérale.
- La pancréatite œdémato-interstitielle
La POI se manifeste par l’augmentation du volume du pancréas à cause de l’infiltration de la graisse péripancréatique. On peut constater cette hypertrophie lors d’un diagnostic en imagerie.
Près de 95% des cas des PA sont sous cette forme, mais elle a moins de risque de s’aggraver qu’une pancréatite nécrosante.
Symptomatologie
Un patient atteint d’une pancréatite aiguë est visiblement souffrant et ressent plusieurs des symptômes suivants :
- Des douleurs abdominales intenses et permanentes qui peuvent se faire sentir jusqu’au dos et nécessitant parfois une injection de fortes doses d’antidouleurs (opiacés), car elles peuvent durer plusieurs jours. Un mouvement brusque, l’ingestion de nourriture, une toux ou même une respiration profonde peuvent exacerber la douleur
- De fréquents nausées et vomissements
- De la fièvre marquée par des changements impromptus de température. Elle peut en effet diminuer et augmenter en quelques heures, pouvant atteindre plus de 38°C.
- Une accélération du rythme cardiaque qui peut atteindre 100 à 140 battements/minute
- Une respiration difficile (notamment à cause de la douleur)
- Une paralysie réflexe des intestins qui les rend incapables de se contracter pour évacuer les déchets, transparaissant par un gonflement du ventre
- Une instabilité de la pression artérielle, accompagnée d’une hypotension orthostatique
Évolution de la maladie et pronostic
Les stades d’évolution
La pancréatite aiguë peut passer par 3 stades, mais pas obligatoirement : léger, modéré et sévère. L’évolution dépend de l’état des organes et des complications locales.
- La pancréatite aiguë légère : se présente comme une inflammation au niveau du pancréas et de ses alentours. L’organe n’est pas défaillant et l’organisme en général ne présente pas de complication. Le taux de mortalité est presque nul.
- La pancréatite aiguë modérée : l’organe n’est pas défaillant ou la défaillance peut être passagère (quelques heures à quelques jours), mais une complication peut se manifester, soit au niveau local, soit dans le système.
- La pancréatite aiguë sévère : l’organe est défaillant de façon durable et différentes complications peuvent se manifester au niveau du système digestif. Le risque de mortalité est près de 30%.
À noter que ni la quantité de lipases, ni l’intensité de la douleur, ni l’incapacité de l’intestin à évacuer ne sont des mesures pour évaluer la gravité de la pancréatite.
Le score de Balthazar ou le score Computed Tomography Severity Index (CTSI) est la méthode classique pour vérifier le stade de gravité de la PA. Il est obtenu à partir du TDM :
- 0-3 points : taux de mortalité de 3 %
- 4-6 points : taux de mortalité de 6 %
- 7-10 points : taux de mortalité de 17 %
Les complications de la PA
Si la PA ne s’atténue pas d’elle-même après 1 mois, on craint des complications. Le pancréas ou les organes avoisinants peuvent présenter une lésion maligne ou bénigne, une nécrose organisée.
Des hémorragies, des thromboses veineuses ou un syndrome inflammatoire systémique peuvent se produire, entrainant des complications telles qu’un trouble cardiovasculaire, une inflammation des organes vitaux, une insuffisance rénale ou encore une hypotension artérielle qui peuvent être mortelles.
Le syndrome de détresse respiratoire aiguë est aussi une forme de complication des pancréatites aiguës nécrosantes. La pratique d’une ventilation artificielle est alors nécessaire.
Dépistage et diagnostic
Le signe clinique de la pancréatite est une douleur abdominale intense et soudaine qui s’amplifie quand le patient se nourrit et diminue quand le malade se met en position antéflexion (la tête et les épaules se rapprochent des jambes par une flexion du corps). Des examens plus profonds sont alors effectués.
Examens complémentaires
Pour confirmer que c’est un cas de PA, l’équipe médicale procède à des examens plus précis :
- Une échographie abdominale pour vérifier la présence de calculs biliaires
- Un scanner dans les 72 à 96 heures pour évaluer la gravité de la maladie, le taux de nécrose du parenchyme pancréatique et la présence d’inflammation, de collections liquidiennes aiguës, la présence de calcification en cas de pancréatite chronique) et l’état des organes à proximité
- Une prise de sang pour évaluer une éventuelle hyperlipasémie qui peut atteindre 3 fois plus que le taux normal
Diagnostic de la gravité
Pour détecter le stade de gravité de la maladie, le médecin réalise :
- Un hémogramme
- Une évaluation des plaquettes
- Un bilan électrolytique et rénal
- Une CRP
- Une paO2
- Une évaluation du taux de calcémie
Diagnostic des causes
À part l’examen clinique, l’échographie abdominale et le scanner, d’autres examens de seconde intention pourraient être réalisés pour découvrir la cause de la PA :
- une bili-wirsungo-IRM
- une échoendoscopie
- le dosage de la calcémie, de la lipase et des triglycérides
- une analyse génétique éventuelle si le patient est âgée de moins de 35 ans
Traitements et prise en charge
Un patient atteint de la pancréatite aiguë est obligatoirement hospitalisé, quel que soit le niveau de gravité.
Le traitement se compose essentiellement de 3 éléments qui vont réduire les symptômes :
- La prise d’antidouleurs selon le degré de la douleur
- La prise d’antiémétiques pour supprimer les nausées et les vomissements
- La mise à jeun pendant une semaine (tant que le patient ressent la douleur) pour les cas légers et modérés, mais pas plus de 48h pour les cas graves
Une nutrition entérale (introduit par sonde dans le tube digestif), précoce pour les cas graves (dès 48h après l’hospitalisation), doit être pratiquée afin de réduire le risque de décès. Les patients de PA légère peuvent également adopter un régime à faible teneur en résidu et en gras dès que leur organisme le supporte.
Un rééquilibrage hydro-électrolytique est aussi nécessaire pour éviter ou corriger une déshydratation.
Dans certains cas comme l’infection de nécrose, des antibiotiques sont prescrits. L’amputation du tissu nécrosé peut même s’avérer indispensable.
Traitement en cas de calcul biliaire
Si la PA est due à la migration de calculs biliaires, des interventions chirurgicales sont nécessaires :
- Une CRPE ou cholangio-pancréatographie rétrograde endoscopique avec un endoscope pour dégager les canaux biliaires et enlever les calculs
- Une cholécystectomie pour retirer la vésicule biliaire pour éviter toute récidive
- Selon le cas, une sphinctérotomie pour agrandir la largeur du sphincter d’Oddi et améliorer la circulation des sucs pancréatiques et de la bile dans le duodénum
Prévention
Le premier principe de prévention d’une pancréatite est d’éviter la formation de calcul biliaire, grâce à :
- Une alimentation équilibrée, pauvre en matière grasse et en calorie, riche en fruits et légumes frais, composée régulièrement de grains entiers et de protéines maigres
- Une hydratation suffisante, idéalement avec de l’eau
- La pratique régulière d’un sport pour éviter le surpoids et l’obésité
- Un maintien de poids normal constant
- L’abstention de tabac
- La réduction de la consommation d’alcool surtout pour ne pas devenir dépendant (« pas plus de dix verres standard par semaine, pas plus de deux verres par jour avec des jours sans consommation dans une semaine » selon la Santé publique française). En cas d’addiction, il est vital de se faire accompagner médicalement pour un sevrage. On sait également d’ailleurs que l’alcoolisme et le tabagisme sont des facteurs de risque accentués avec l’âge.
Un patient qui a subi une première pancréatite aiguë doit faire particulièrement attention à ces recommandations, voire à les renforcer, pour éviter une rechute qui pourrait devenir chronique :
- Ne plus boire d’alcool
- Consommer très peu de lipides, notamment pendant 1 mois après une PA pour éviter une sécrétion trop abondante de lipase
- Éviter tout médicament qui a provoqué la maladie
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