Dr. Holi Rajery - Linkedin
Pourquoi un patient souhaite-t-il mettre fin à sa vie ? Est-ce une décision irrévocable due à une grande souffrance ? Justement souffre-t-on quand on meurt ? Peut-on proposer d’autres alternatives à cette décision radicale ? Des spécialistes de divers domaines qui touchent ce sujet ont effectué de nombreuses recherches pour obtenir des réponses les plus précises possible.
L’augmentation des maladies incurables et le vieillissement de la population poussent le corps médical à trouver des moyens adaptés pour prendre en charge les malades en fin de vie de plus en plus nombreux qui demandent l’exécution d’un suicide assisté ou d’une euthanasie à cause de leur grande souffrance.
En plus d’une grande responsabilité humaine et d’éthique, c’est aussi une lourde charge psychologique, c’est pourquoi il est essentiel d’avoir le « bon comportement » et faire le bon choix selon le cas qui se présente.
À ce jour, il n’y a pas de concept clair qui peut définir le souhait d’accélérer la mort. Ce souhait peut s’exprimer de diverses manières : par la demande d’arrêter les traitements ou directement d’une mort assistée.
Toutefois, un groupe de 24 chercheurs venant de 19 institutions de recherche d’Amérique du Nord et d’Europe ont procédé à une enquête par la méthode Delphi pour donner une première définition à ce phénomène.
Les résultats des recherches ont obtenu 79% de fiabilité interjuges. Le souhait de mettre rapidement fin à sa vie est une réaction due à la souffrance insupportable qui a une grande probabilité de se terminer seulement par/avec la mort. Certains patients expriment ce désir d’eux-mêmes, d’autres quand on leur pose la question.
Cette souffrance peut être d’ordre physique, mais aussi psychologique, mentale ou même existentielle.
Ce souhait de mort hâtive est différent de l’attente de la mort (qui est proche) de façon naturelle malgré les douleurs.
Trois facteurs sont donc intégrés dans cette définition du désir de hâter la mort :
En termes de fréquence, une étude effectuée en 2010 par Ferrand et al. exprime que plus de 60 % des patients en fin de vie ont demandé de hâter leur mort. Cette enquête a été effectuée sur un échantillon de 783 demandes, dont 476 venant directement des patients.
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, le premier motif du désir d’un patient d’accélérer sa mort n’est pas la douleur physique (quoique non négligeable), mais le désespoir qui se manifeste sous différentes formes et pour diverses raisons.
Trois facteurs essentiels poussent un patient en fin de vie à demander à mourir.
Détresse psychologique :
Selon Cassel, 1982, 1991, cité dans Deschamps : « les appréhensions d’une personne face à l’évolution de sa maladie et aux traitements proposés peuvent créer chez elle une angoisse, une panique et une détresse qui peut l’amener à souhaiter mourir plutôt que vivre ». L’auteur fait également remarquer que cette souffrance mentale est plutôt liée à une douleur existentielle que physique.
La Commission québécoise de soins de fin de vie rapporte par ailleurs que les souffrances mentales se manifestent par des sentiments de perdre le contrôle de sa vie, sa dignité, son rôle social et/ou familial, de ne plus avoir sa capacité d’effectuer toute activité et d’être autonome. Le mourant a aussi peur de l’évolution des symptômes et de la manière dont se manifestera la mort.
Trois différentes recherches donnent des conclusions similaires sur les raisons de désirer mourir :
Souffrances physiques :
Les douleurs physiques ne sont pas les premiers facteurs de demande de hâter la mort, mais elles y contribuent largement. D’après Chochinov et coll., les patients en phase terminale ont surtout peur de la survenue des douleurs réfractaires ou de l’augmentation de l’intensité de leur souffrance, c’est pourquoi ils demandent à mourir rapidement.
La détresse respiratoire est le symptôme physique le plus insupportable chez les patients de maladie en stade avancé qui les incitent à vouloir mourir.
La médecine palliative ne cesse cependant d’effectuer des recherches pour atténuer les souffrances du corps chez les malades en fin de vie. Si aucun traitement n’arrive à diminuer la douleur, la sédation par un sommeil profond est une option. Le malade est plus rassuré quand il sait qu’il a encore une solution contre ses symptômes, même s’il n’y aura pas recours.
Facteurs sociofamiliaux :
La famille est presque toujours impliquée dans l’accompagnement quotidien d’un malade en phase terminale. 87% des malades questionnés ont dit avoir recours à l’aide de leurs proches pour s’occuper d’eux tous les jours. Les proches interrogés disent devoir réduire, voire arrêter leur activité professionnelle pour être disponible et apprendre sur le tas souvent, comment accompagner un mort dans la mort. Cela donne au malade un sentiment d’être fardeau qui le pousse à accélérer sa mort.
On constate aussi qu’un patient qui se sent soutenu et dont la famille est présente pour prendre soin de lui a moins de désir de vouloir mourir vite qu’une personne qui n’a personne pour s’occuper d’elle. Dans le second cas, la présence physique et morale des soignants est une grande aide pour la réconforter psychologiquement.
L’accompagnement en fin de vie peut se décliner en 3 décisions : la sédation profonde, le suicide assisté et l’euthanasie. Toute décision doit être prise après consultation de toutes les parties, en premier lieu le patient, ensuite les médecins traitants et les proches.
La sédation profonde
Il s’agit d’endormir profondément et de façon prolongée le patient pour le soulager ou lui éviter de ressentir des douleurs réfractaires. L’article L1110-5-2 du Code de la santé publique parle d’ « une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès, associée à une analgésie et à l’arrêt de l’ensemble des traitements de maintien en vie ».
Le suicide assisté
Le suicide médicalement assisté consiste à aider une personne qui formule expressément le désir de mourir. Après convention de toutes les parties concernées, des produits létaux par perfusion ou par voie orale sont prescrits et le patient les prend lui-même.
L’euthanasie
Dans le cas de l’euthanasie, une tierce personne – plus précisément le corps médical - administre la substance, après accord du malade.
Les lois sur les soins de fin de vie, dont la Loi Léonetti du 22 avril 2005 relative à la fin de vie et aux droits de malades et le Code de la déontologie médical sont les cadres légaux de l’aide médicale à mourir en France. Aucun des trois actes n’est légal, sauf dans une situation très précise.
Dans tous les cas, toute décision est prise seulement avec l’accord du patient, de sa famille et de la personne de confiance.
Le débat est toujours ouvert sur la pratique de l’euthanasie et du suicide assisté, car des actes clandestins existent malgré une législation qui les interdit.
Lors d’un débat qui a eu lieu au Parlement européen en avril 2021 sur le droit à l’euthanasie, 71 médecins ont exprimé l’importance de garder l’interdiction de tuer, quelles que soient les circonstances, en expliquant que la mort – volontaire ou non - ne peut être une solution contre la peur de la mort, la solitude et la douleur.
En avril 2023, l’Ordre français des médecins a restitué les résultats de ses dernières recherches en concluant que :
La Convention européenne conclut que le « traitement de la douleur » et une « écoute attentive des besoins des patients » sont les solutions qu’il faut favoriser dans le cas des patients mourants. En effet, prendre une décision face à une situation de fin de vie est toujours compliqué, car aucun être humain ne peut prévaloir le droit d’ôter la vie d’une personne, malgré une souffrance visiblement irrémédiable.